
Mis en évidence, exposé à la vue et appréciable par tous, loin de ressembler aux graffitis marginaux qui ont marqués leur époque, l’art urbain s’affiche désormais sans être dissimulé. Apposé en plein jour sur les murs de nos villes par des artistes venus des quatre coins de France, mêlant les styles, les mediums et les influences, loin des sprays qui font sa renommée, le street-art engage, réunit, interroge.
Etudiante en photographie sur la région Bordelaise, Lola, a choisi ce support atypique, pour venir découvrir le Bassin d’Arcachon, accompagnée tout au long de son périple par Anne Sophie Jean, chargée de projet muraliste. Ensemble, elles ont sillonné Arcachon, La Teste de Buch et Ares, villes pionnières qui ont misé sur l’art pour interpeller et rassembler toutes les générations.

Autrement que pour le plaisir des yeux, le street-art est un véritable atout territorial, une force brute, qui séduit, dérange mais ne laisse personne dans l’indifférence. Echappées Sauvages à la Teste, Regarde ! à Ares, Hors Saison à Arcachon, l’un comme l’autre de ces parcours invite à la curiosité, encourage le public à profiter des mobilités douces pour multiplier les temps d’escale et de contemplation.
Missionnée par les communes d’Arcachon et de la Teste de Buch, au service de l’art et de la culture, Anne Sophie Jean élabore à partir de murs vierges et exposés des projets qui font sens pour toute la population. Accompagner les artistes dans leur temps de création, mener des stèles de médiation, échanger avec les locaux, collecter leurs émotions en direct, c’est la réalité du terrain qui forge l’énergie de cette jeune passionnée. L’art comme un tremplin à la discussion, c’est sur le marché de la Teste de Buch, auprès des passants, qu’elle donne rendez-vous à l’étudiante pour l’initier à cette philosophie de vie.
Échappées Sauvages
Fragmenté durant une semaine de travail, sur cette nouvelle édition, trois artistes ont succédé à Amo, Rouge Hartley, Jean Rooble et Kegrea, pour venir colorer les murs de la ville. A mi-chemin entre le numérique et des techniques de peinture impressionniste, Mathieu Pommier a pris possession du mur externe aux Halles, pour apposer un triptyque, graphique, vif qui va du réel à l’abstraction. Inspiré par notre territoire, ce jeune Vendéen à transposer ses photos, sur un format panoramique pour former une oeuvre murale, architecturale et structurée. Divisée en trois parties qui se répondent et sont en opposition dans leur sujet, la plage saturée par la foule se recentre sur l’essentiel, des scènes de vies plus discrètes, qui sur une palette de couleurs distinctes, s’étendent de la petite pousse de pin, à du végétal plus abstrait. A l’écart des hommes et de l’insouciance collective, c’est ainsi que la nature reprend ses droits.

Un peu plus loin, sur les murs de la maison de quartier des Miquelots, autrement appelée la Maison des Oiseaux, Scaf amène son public, familial et intergénérationnel, à changer de perspectives. Spécialiste de l’anamorphose, ce graffeur au sens propre du terme, mêle réalisme et illusion d’optique, pour donner l’impression que son oeuvre peut sortir du cadre, prendre son envol et s’échapper du mur.

Proche de tous ceux qui font vivre la commune, Paul Peinture imagine quant à lui des formats de proximité, intimistes qui lui permettent de côtoyer les habitants de Cazaux. Ateliers pour adultes, fresque collective pour les enfants du centre aéré, là où il passe, l’artiste laisse des traces de son passage, indélébiles au cœur de tous. Spontané dans sa démarche, il partage, transmet, calque ses œuvres à l’âme d’un lieu et rend l’art accessible à toutes les générations.

À proximité du collège Henry d’Heurle, l’artiste Rouge a été questionnée sur sa vision de l’animalité pour donner vie à une façade monumentale. Sans se défaire de la finesse des drapés qui rendent ses traits reconnaissables entre tous, la peintre a choisi de représenter une femme allaitant son bébé pour lutter contre la sexualisation des corps et lever ainsi les tabous qui entourent celui des femmes. Une oeuvre engagée, d’utilité publique aux abords d’un virage fréquenté par les jeunes et leur famille.

Hors Saison
En résidence sur Arcachon pendant près d’une année, l’habituée des grands formats Rouge Hartley et l’artiste plasticien Luka Merlet ont mêlés leurs arts afin de laisser émerger Chère Mathilde, une exposition temporaire qui amalgame street-art, peinture à l’huile, découpe, photographie et poésie. Mandatés par la commune et inspirés par les récits de vie de ceux qui dans l’ombre font palpiter l’économie locale, les deux artistes ont choisis d’ancrer les murs de la ville à partir des bribes d’histoires entendues durant leur immersion.
Plus parlante encore que le reste de ses réalisations, sur le Port d’Arcachon, aux abords de la criée, Rouge déploie tout son talent pour mettre à l’honneur toute l’étendue des petits métiers, essentiels, qui à l’image du balayeur, donne l’espoir d’une ascension sociale par l’évolution professionnelle. Dans chacune de ses oeuvres, comme un cri, l’artiste camoufle un message, d’espoir, d’amour dans la beauté de ses traits.

Les anamorphoses de Sébastien Sweo prennent également possession de l’espace urbain du coeur de ville ! Des oeuvres vivantes, qui invitent les spectateurs à retomber en enfance le temps d’une déambulation.
Eparpillées dans le centre ville, ces œuvres sont complétées par du mobilier détourné coloré et des arches fleuries.

MIRA, un musée à ciel ouvert
Référence locale en matière de Street Art, la curieuse brasserie encourage la production d’art urbain et soutien le travail des artistes. Chaque semestre à l’occasion de la Mira Art’s Week, MIRA commande de nouvelles oeuvres pour renouveler sa façade afin de laisser les précédentes entamer leur itinérance dans des lieux stratégiques où l’art agit comme baume, un exutoire, pour ceux qui en ont besoin (hôpitaux, centre de soins ..). Profitant d’une limonade fraiche et d’une bière brassée sur place, familière des lieux, Anne Sophie guide la jeune étudiante dans ce lieu hors du commun où l’art, libre, omniprésent s’exprime sous toutes ses formes. Loin du côté formel et mondain qu’inspire une galerie, en toute humilité MIRA offre un espace de contemplation de plus de 300m2, accessible à tous et entièrement gratuit.

REGARDE!
Précurseur dans la promotion des arts sur l’espace public, pour la seconde année consécutive, la ville d’Arès a proposé une seconde édition de son festival Regarde !, un condensé d’oeuvres déambulatoires, familiales et mettant à l’honneur des compagnies de théâtre, de danse et de voltige. En accord avec la volonté d’intégrer l’art dans son paysage urbain, des artistes tels que Kafé Korsé, Selor, Moka, Blade ont métamorphosé une vingtaine de transformateurs électriques. Pluriels dans leur manière d’aborder l’art, éclectiques dans leur style, tous se sont entendus autour d’une même contrainte, valoriser la faune et la flore du territoire.

Reparties dans plusieurs quartiers de la ville, accessibles en vélo ou à pied, leurs réalisations traduisent la force et la fragilité de notre écosystème et donnent une dimension nouvelle à ce que l’oeil préférait occulter jusque-là. Ainsi si l’art à le pouvoir le dévoiler l’invisible, Arès a réussi son pari de le sublimer !
Au total, c’est près de 13 transformateurs qui ont été customisés dans les 4 coins de la commune ! Vous pouvez retrouver l’ensemble de ces œuvres sur : Ville d’Arès – (ville-ares.fr)
