C’était le 25 février 1908. Dans la nuit, ce grand bateau de pêche au large immatriculé à Arcachon s’échoue sur des rochers près du cap Juby, l’actuelle ville marocaine de Tarfaya. Le bateau se couche et s’ensable assez vite, mais les 19 hommes d’équipage sont transbordés à terre sans dommage.
On est ici aux portes du Sahara, en face des îles Canaries. Toutefois le rivage n’est pas absolument désert car un groupe de Maures apparaît et emmène les Arcachonnais. Il s’agit d’hommes relevant de l’autorité du pacha local Hussein responsable de l’administration locale. Les marins ne pourront rien emporter de leur navire qui sera entièrement pillé.
À partir de ce moment-là, les informations vont aller très vite, non sans certaines contradictions. La société de rattachement du navire, sans nouvelle de La Baleine, lance un avis de recherche dans les secteurs du Cap Blanc et du Banc d’Arguin mauritanien jusqu’aux Canaries.
Et presque un mois après son naufrage, le journal L’Avenir d’Arcachon va raconter toute l’affaire : l’équipage est bel et bien prisonnier des Marocains. Mais de son côté, l’Evening News de Londres prétend qu’une rançon serait en cours de négociation, tandis qu’un certain Lord Mountmorness, en croisière dans les parages, se dit prêt à avancer la somme requise ! En fait, le gouvernement demande à la Marine nationale d’aller récupérer l’équipage de La Baleine et c’est un croiseur en poste à Tanger, le Cassard, qui s’en chargera le 21 mars.
Un journaliste travaillant pour le Petit Parisien rétablira les faits en enquêtant à Tanger au cours de l’escale de l’équipage rescapé. En fait, les Arcachonnais n’avaient pas été emprisonnés, mais recueillis par le caïd Hussein dans son fort « déserté par ses soldats et seulement occupé par ses femmes et ses domestiques ». En fait, lorsque les officiers du Cassard débarquèrent au cap Juby, ils trouvèrent l’équipage de La Baleine reclus dans une « vieille factorerie anglaise » et ses membres ont reconnu avoir été bien traités. Le caïd réclama simplement une indemnisation pour l’entretien de ces hommes et il reçut… 50 sacs de farine.
Débarqués à Marseille, les membres d’équipage de l’infortuné navire ont pris le train vers Bordeaux puis le Bassin où ils ont reçu l’accueil qu’on imagine avant de rejoindre leurs familles respectives, à Gujan, La Teste-de-Buch et Arcachon.
Article Olivier de Marliave – Société Historique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch