Éphéméride/ C’était en juin, Chester Himes en vacances à Arcachon
Fin juin 1953, l’écrivain américain Chester Himes, en vacances à Arcachon, raconte :
« Arcachon nous plaisait. Nos voisins étaient curieux, mais sans malice. Quand nous allions jusqu’à une plage de sable propre sur le Bassin pour nous allonger au soleil, les enfants se rassemblaient autour de nous, les yeux écarquillés par l’étonnement, comme si nous étions des phénomènes échappés d’un cirque […] En fin d’après-midi, nous partions en direction de la ville par la rue Alexandrine : à cette heure-là, le soleil semblait plonger à l’extrémité de la rue qui se transformait en une rivière fantastique d’or fondu […] Nous nous installions à la terrasse d’un restaurant au bord du rivage pour déguster à bon marché des fruits de mer en guise de diner et boire du vin blanc en regardant la dune se lever sur le Bassin […] Lorsqu’on apprit que j’étais non seulement américain noir, mais en plus écrivain, on me traita avec la déférence admirative due à un zombie. Personne ne m’adressait la parole. Toutes les remarques étaient faites à Alva. En parlant de moi, les gens disaient toujours le monsieur : « Est-ce que le monsieur ne se nourrit que de sandwich ? Le monsieur est-il chrétien ? » Tout compte fait, les deux mois que nous passâmes à Arcachon nous apportèrent un bonheur extrême. Pendant quelque temps je m’étais senti à l’écart de mes frères d’âmes, de leurs envies, de leurs jalousies, de leurs intrigues et du « problème noir » qui obsède mes compatriotes […] Quitter Arcachon nous navrait. »
Chester Himes (1909-1984), écrivain noir américain est connu pour ses romans policiers comme La Reine des pommes, livre paru en 1958 et qui a obtenu le grand prix de littérature policière. Avec sa compagne, il a séjourné dans la villa Madiana, du quartier de l’Aiguillon à Arcachon. Cet extrait est issu de ses mémoires Regrets sans repentir publiées en 1979.
Article de Isabelle Antonutti, Société historique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch