1

Bières du Bassin: le nouveau nectar en vogue

Sur le Bassin, si le dicton veut que l’on vive d’amour et d’eau fraiche, on se contente aussi à l’inverse d’amitié et de vin blanc. Pour autant sur cette terre d’iode et de merveilles, le raisin, comme le voudrait la tradition n’a pas le monopole pour accompagner et sublimer les huitres qui font sa renommée. Depuis quelques années, à l’initiative de nombreux passionnés de bièresdes microbrasseries s’installent partout en France, remettant au goût du jour des techniques ancestrales et des procédés anciens. La région n’étant pas dépourvue de brasseurs émergents nous vous proposons, en mots et en images, de découvrir les portraits de ces amateurs de malt et de houblon.

Dérive (bière de plaisance) 

© Mélanny RODRIGUES

Comme on s’invite à l’improviste dans le garage de notre grand-père, l’œil attiré par de surprenants outillages, on entre chez Lucien en saisissant un pan d’histoire. Au-delà de la beauté du geste artisanal qui fait sa réputation, chaudrons de cuivre et fut de chênes s’expriment autrement qu’en images à travers les mots passionnément décousus de celui qui les exploitent. Derrière le comptoir du V&B, l’enfant du pays en soif d’indépendance, a su puiser son inspiration, intensifier sa culture de la bière, laissant germer une graine d’idée en malt, cheminant dès lors au gré de son ressenti jusqu’à ce que sa petite brasserie voie le jour.

Dérive, bière de plaisance ; c’est sur le ton de cette identité sur mesure, à connotation marine et pleine de promesse que l’on devine l’attachement profond du jeune brasseur à notre région, à l’océan, aux embruns. C’est d’ailleurs grâce à cette volonté d’apporter de la valeur ajoutée au patrimoine local sans juste se servir de lui qu’il a tenu à développer sa gamme de trois bières destinée exclusivement à la vente chez les restaurateurs et les belles épiceries du Bassin...

Ne laissant rien au hasard, tout chez Lucien est une affaire de patiencede raisonnement, de maturité où sans précipitation il faut savoir s’écouter sans voir au-dessus de ses limites. A l’inverse d’autres brasseries, il a su jouer la carte de la modestie, réfutant le modèle industriel pour remettre au goût du jour des méthodes de brassage anciennes, oubliées, grâce à des techniques marginalisées et des valeurs ancestrales glanées au fil de ses rencontres. Dans son atelier, où les murs infusés au feu de bois, laissent transpirer des effluves de fleurs et d’amertume, chaque objet à un sens, une fonction qui prônent un retour logique à la simplicité des choses.

Si les vieux travaillaient comme ça, ce n’est pas pour rien”

De la création de ses recettes uniques au monde, où se mêlent des cépages du sud-ouest, de moelleux et de sauvignon blanc, jusqu’à l’embouteillage manuel de ses 7000 bouteilles mensuelles, Lucien suit chaque étape de sa production avec une efficacité qui assoit toute sa différence depuis sa création en 2020. Au-delà même de ses saveurs novatrices, Dérive exprime sa typicité à travers son assemblage dans une démarche naturelle ; des coquilles d’huitres pour modifier le profil de l’eau et aider les levures à fonctionner, des cuves en cuivre pour supplanter à l’inox et aux produits chimiques, une fermentation et une micro-oxygénation en barrique .. Un souci du détail, un gout pour l’authenticité qui transparait dans le caractère jovial et naturel du brasseur à la combinaison de pilote.

Après cette visite, les oreilles attentives à toute sa jolie philosophie, Lucien donne à penser que la curiosité, loin d’être un vilain défaut peut être, menée à son terme, le point de départ d’aventures qui valent le coup de s’émanciper des codes et des idées reçues.

@dérive (bière de plaisance)

BDO (bière de l’Ouest) // La Parqueuse

© Mélanny RODRIGUES

Plus profondément ancrés ici qu’ailleurs, depuis plus de 20 ans, Yvan et Alexandrine ont choisi le Bassin comme terre d’accueil pour s’établir en tant que restaurateurs et y élever leurs deux magnifiques enfants. Curieux et perfectionniste, c’est après un simple atelier de brassage offert par son fils qu’Yvan pousse la découverte jusqu’à l’institut Français de la bière. Là, il va y élaborer ses premières recettes, transformant alors son cadeau de fête des pères en véritable passion.

De la Teste à Arcachon, même si leurs noms restent fermement rattachés à leurs précédents établissements, c’est dans la cuisine de leur dernière adresse au Bistrot du Port qu’ils produisent leur premier brassin, tentative embryonnaire qui tiendra finalement deux ans plus tard lieu de reconversion à part entière.
Sur la criée – ultime point cardinal à proximité de l’Aiguillon – et à mesure que leurs clients l’approuvent, s’incarne la Bière de l’Ouest, déclinée depuis en huit recettes 100% biologiques.

Elaborée en synergie avec des producteurs de la région, tandis que le houblon vient des Landes et les fruits du marché, tout dans cette bière reste une affaire de famille, de la genèse du produit jusque dans ses finitions. Les frères du brasseur, agriculteurs et vignerons dans le Val de Loire se chargent de le fournir en malt, dont les drèches seront dans une démarche écologique converties en biscuit par des boulangeries locales ou redistribuées aux éleveurs pour nourrir les ruminants.

Humble vivant et bon copain, tirant profit de ses nombreuses expérimentations, il laisse naitre de ses dégustations de belles alliances de goût, sans manquer de souligner la solidarité qui se tient dans ce cercle très ouvert de nouveaux brasseurs.

La Bière de l’Ouest, une bière résolue de valeurs, humaines, écologiques et équitables.

http://brasseriebdo.fr/

La Mousse des Sables

© Mélanny RODRIGUES

Rapatriés des portes du Médoc, Pierre et Quentin, sont tombés en amour pour le Bassin petits, lorsqu’ils venaient passer leurs vacances à Claouey avec leurs grands-parents. Employé viticole, Quentin, collectionnant jusque-là les bouteilles de bières à naturellement fini par préférer le houblon au raisin entrainant ainsi Pierre, enseignant dans la prévention santé, à se rallier à son projet d’un jour ouvrir leur propre brasserie.

Amis d’enfance devenus grands, l’Herbe et le Canon toujours dans le cœur. C’est avec une force fraternelle qu’ils s’associent et viennent par évidence s’implanter à Andernos, s’offrant alors cette côte inaccessible qui les faisait rêver depuis longtemps. De retour sur leur terre d’origine, après deux mois de formation dans le Jura, ils lancent leur première série de brassins dans le garage familial, décrochant dès la première gorgée les sourires fiers de leurs papas.

Complémentaires et complices, si l’un, druide rêveur, s’occupe de l’alchimie et se laisse parfois emporter par le doute, l’autre, l’encourage, le rassure, se charge de lui ramener les pieds sur terre trouvant alors l’équilibre qu’il convient à la création d’un joli produit.

Parrain des enfants, témoins de mariage, ce n’est pas qu’un associé, pas que mon ami, c’est ma force !

C’est encore salés d’une après-midi de baignade que ces enfants de l’océan laissent émerger leur Mousse des Sables ; une gamme de six bières portées par les courants, techniques, parfumées et généreuses en malt. Cernée d’une couronne d’orge, la fleur de houblon semblable à une pigne, fait-elle aussi rapport au Bassin à marée descendante, une référence qu’ils ont voulus typique sans pour autant s’approprier faussement l’identité des gens d’ici.

Développant leurs bières à partir de matières premières françaises, ils espèrent à terme étendre leur production vers des bières plus complexes, aux notes de vanille, de fruits, apportant ainsi une finalité lactée tendant à rappeler les bières « geek » de nos voisins Belges.

Prônant la convivialité et le partage, attachés à tous ces lieux de passage dans lesquels ils ont grandi, ils ont cette volonté commune de mettre en valeur le territoire, distribuant ainsi leurs bières chez les cavistes et les épiceries de la Gironde, du Bassin jusqu’au Médoc en faisant halte à Hourtin.

Ce duo de brasseurs, au-delà de leur amitié sans faille, est à nouveau la preuve que chaque chose arrive pour une raison que le cœur ne peut ignorer.

https://www.instagram.com/lamoussedessables/

Brasserie MIRA

© Mélanny RODRIGUES

Sous la surveillance de créatures chimériques, c’est dans une ambiance feutrée, confortablement installé au coin du feu, que l’on entrevoit derrière de larges fenêtres, les entrailles de la Brasserie la plus célèbre du Bassin.
Fondée en 2015 par Jacques Bellec, concessionnaire d’origine Bretonne, Mira, telle qu’il la souhaitée, curieuse et singulière est devenue en quelques années une véritable institution autrement même que pour sa large gamme de bières.

Porté par les rêves d’un grand enfant, dans ce lieu où tout fait rapport à l’art, tous les superlatifs gravitent et s’accordent pour transposer l’endroit en comptoir de rencontre, en repère, dans lequel on entre avec la garantie certaine de ne plus savoir où poser les yeux, ni prêter les oreilles.

À la fois brasserie, cabinet de curiosités, pépinières d’artistes, école de musique, Mira survole le conformisme et donne à ses murs des airs de musées où s’accumulent tableaux, collections d’insectes, vinyles et trophées de chasse, confondant alors le minuscule à l’infinie grandeur d’un immense espadon en capsules et de fresques monumentales.

Ici, tout fonctionne en corrélation. Ce que le brassage emprunte d’eau à la source naturelle des pins est rendu comme une goutte dans sa moindre monnaie à cette nature qui inspire et abreuve le travail de Germain, houblonneur de la maison.

Moins intime mais tout aussi chaleureuse, Mira a su se démarquer par l’art, se magnifier au fil des années et s’étendre comme un caprice sans ne pas méprendre l’humain.

https://brasseriemira.fr/

 Article réalisé par Mélanny RODRIGUES, @_studiohibou